Hervé_Berville_(Hervé Berville in the garden of the Quatres Colonnes in the Palais Bourbon (Paris, France)

Je suis allé représenter l'expédition T2A ce lundi 3 avril au secrétariat d'Etat à la mer, avenue de Ségur à Paris. Il s'agissait une réunion d’échanges sur la stratégie nationale pour la mer et le littoral et les actualités récentes en matière de protection des océans à l’international, associant le secrétaire d'Etat chargé de la Mer auprès de la Première ministre Hervé Berville et les associations et organisations non gouvernementales engagées pour la protection des océans et la planification en mer.

La réunion a été quelque peu houleuse, et des personnes s'y sont faites traiter de pyromanes - eu égard à un bâtiment de l'Office français de la biodiversité incendié le 30 mars à Brest par des pêcheurs, tandis que ministre se faisait ouvertement traiter de menteur par une ONG, preuves à l'appui.

Le moins que l'on puisse dire est que le ministre – à moins d'avoir les oreilles bouchées – a du entendre le mécontentement des ONG présentes, sur les sujets traitant de manière générale de la mer, et tout particulièrement des Aires marines protégées (AMP). Tout le monde se demande aujourd'hui de quoi elles sont protégées. A la suite de la déclaration d'Emmanuel Macron au Salon de l'Agriculture, le secrétaire d'Etat chargé de la Mer Hervé Berville déclarait le 8 mars au Sénat : « Le gouvernement est totalement opposé à (...) la mise en œuvre de l’interdiction des engins de fond dans les aires marines protégées. Totalement, clairement, et fermement. ». 

 Pour avoir vécu son enfance dans les Côtes d'Armor et en avoir été quelques années député, Hervé Berville sait parfaitement ce que sont les arts traînants (dragues, chaluts, cf infra*) et les dégâts irréversibles qu'ils causent sur les écosystèmes. Il n'y a rien de pire aujourd'hui que ces engins. Alors, quand une aire marine protégée n'est pas protégée du pire qu'il puisse lui arriver, de quoi est-elle protégée ? 

Tout le monde se pose la question. 

La définition des niveaux de protection est aujourd'hui au cœur de tous les débats. L'UICN a créé une définition qui devrait être adoptée au niveau international – mais qui ne l'est pas, et que la France rejette pour pouvoir continuer à faire n'importe quoi le long de ses côtes. C'est d'autant plus grave que même si la France (4e grande puissance dans les années soixante) est rejetée petit à petit dans les profondeurs du classement des grandes puissances, elle reste – et restera pour longtemps – la deuxième grande puissance maritime de par la longueur de ses côtes. Le pouvoir de nuisance de la France est donc énorme. 

Aujourd'hui, la France se ridiculise avec des déclarations fracassantes qui ne sont jamais suivies d'effets (« 30 % du littoral en AMP en 2030 », etc.). On en est au point que pour sauver le peu qui reste à sauver, des ONG sont contraintes d'attaquer en justice le gouvernement français. 

 

La réunion s'est conclue sur l'idée d'un « Grenelle de la mer », auquel nous avons proposé d'inviter les représentants de la grande distribution – si l'on considère les pêcheurs industriels comme les assassins de la biodiversité marine, les commanditaires, directs ou indirects, se trouvent dans la distribution. Fixer à la distribution (grande distribution, poissonneries) des quotas de vente drastiques et les contrôler est beaucoup plus facile que fixer des quotas de pêche. Assortie d'une interdiction d'exporter à l'étranger le poisson pêché dans les eaux territoriales françaises, la mesure résout tous les problèmes. Certes, les prix du poisson vont flamber, certes une partie des pêcheurs va disparaître, certes, une partie des poissonneries va fermer. Mais c'est bien à cela qu'il faut arriver si on veut protéger la biodiversité marine. A terre, on a très bien compris que la réduction du nombre des "victimes" passe par la réduction du nombre des "assassins". Il n'y a rien à gagner à vouloir ménager à la fois la chèvre et le choux, il faut choisir entre les deux.

Il faudrait diviser par deux la consommation de produits de la mer d'un terrien moyen, et diviser par trois la consommation de produits de la mer d'un français moyen. On n'arrivera jamais à cela en refusant de prendre position contre les pêcheurs et en continuant à subventionner leur carburant. 

La position de la France est aujourd'hui très claire : l'homme passe avant l'environnement, quoi qu'il en coûte pour ce dernier. 

Il faudra bien qu'un jour un président de la République française s'aperçoive que l'homme n'est rien sans son environnement, et qu'il est aussi dépendant de lui que le marin de son bateau.

 

Philippe Bensimon

 

* Dans le domaine de la pêche, le terme d’arts désigne deux familles d’engins et de techniques de pêche. Les arts dormants sont des engins immobiles ou en dérive où les poissons viennent se piéger. Ils peuvent être calés sur le fond, voire fixés à la côte ou dérivant au gré des courants ; le filet droit, le casier, les lignes avec hameçons sont d’utilisation courante pour presque toutes les espèces.
Les arts traînants sont des engins actifs où l’on « chasse » le poisson. Ils sont tractés par le bateau (dragues, chaluts, lignes) ou effectuent des encerclements (sennes). Source : (http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/arts-dormants-arts-trainants).

_________________

I went to represent the T2A expedition this Monday, April 3 at the State Secretariat for the Sea, avenue de Ségur in Paris. It was an exchange meeting on the national strategy for the sea and the coast and recent news in terms of international ocean protection, involving the Secretary of State for the Sea with Prime Minister Hervé Berville and associations and non-governmental organizations committed to ocean protection and planning at sea.

The meeting was somewhat stormy, and people were called arsonists - in view of a building of the French Office for Biodiversity set on fire on March 30 in Brest by fishermen, while a minister was openly called liar by an NGO, with supporting evidence.

The least that can be said is that the minister – unless his ears are blocked – must have heard the dissatisfaction of the NGOs present, on subjects dealing in general with the sea, and especially marine protected areas ( MPA). Everyone is wondering today what they are protected from. Following Emmanuel Macron's declaration at the Salon de l'Agriculture, the Secretary of State for the Sea, Hervé Berville, declared on March 8 in the Senate: "The government is totally opposed to (...) the implementation implementation of bottom gear bans in marine protected areas. Totally, clearly, and firmly. ".

Having lived his childhood in the Côtes d'Armor and having been a deputy there for a few years, Hervé Berville knows perfectly well what dragging gears are (dredges, trawls, see below*) and the irreversible damage they cause on ecosystems. There is nothing worse today than these contraptions. So when a marine protected area is not protected from the worst that can happen to it, what is it protected from?

Everyone is asking the question.

The definition of levels of protection is today at the heart of all debates. The IUCN has created a definition that should be adopted at the international level – but which is not, and which France rejects in order to be able to continue to do anything along its coasts. This is all the more serious in that even if France (4th great power in the 1960s) is gradually being pushed into the depths of the classification of great powers, it remains – and will remain for a long time – the second great maritime power in by the length of its ribs. France's power of nuisance is therefore enormous.

Today, France makes a fool of itself with sensational declarations which are never followed by effects (“30% of the coastline in MPAs by 2030”, etc.). We are at the point that to save the little that remains to be saved, NGOs are forced to take legal action against the French government.

 

The meeting ended with the idea of a "Grenelle de la mer", to which we proposed to invite representatives of large retailers - if we consider industrial fishermen as the assassins of marine biodiversity, sponsors, direct or indirect, are found in distribution. Setting drastic sales quotas for distribution (supermarkets, fishmongers) and controlling them is much easier than setting fishing quotas. Along with a ban on exporting fish caught in French territorial waters abroad, the measure solves all the problems. Admittedly, fish prices will soar, certainly some of the fishermen will disappear, certainly, some of the fishmongers will close. But that's what we have to do if we want to protect marine biodiversity. On land, we have understood very well that reducing the number of "victims" requires reducing the number of "assassins". There is nothing to gain by wanting to spare both the goat and the cabbage, you have to choose between the two.

It would be necessary to divide by two the consumption of seafood products of an average earthling, and divide by three the consumption of seafood products of an average Frenchman. This will never be achieved by refusing to take a stand against fishermen and by continuing to subsidize their fuel.

France's position is now very clear: people come before the environment, whatever the cost for the latter.

One day a President of the French Republic will have to realize that man is nothing without his environment, and that he is as dependent on it as the sailor on his boat.

Philippe Bensimon

 

* In the field of fishing, the term arts refers to two families of fishing gear and techniques. The dormant arts are immobile or drifting gear where fish come to trap themselves. They can be wedged on the bottom, even fixed to the coast or drifting with the currents; straight net, pot, lines with hooks are in common use for almost all species.
Drags are active gear where fish are “hunted”. They are towed by the boat (dredges, trawls, lines) or encircle (seines). Source: (http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/arts-dormants-arts-trainants).