EUMETSAT visible satellite image of Mediterranean Tropical Cyclone

Dans la matinée du jeudi 18 août 2022, un orage d'une intensité exceptionnelle s'est abattu sur la façade ouest de la Corse, traversant ensuite l'île d'ouest en est. Des rafales à 225 km/h ont été enregistrées, battant le record du 9 décembre 1993. Le phénomène est directement lié au réchauffement climatique, et à la température tout à fait anormale de la Méditerranée en cette saison à l'ouest de la Corse : des masses d'air chaud et humide (28°C) se sont ainsi élevées jusqu'à rencontrer un courant d'air froid descendant à -65°C, puis se sont mises en rotation, provoquant des vents très violents. Pour mémoire, 225 km/h (ici seulement en rafale), c'est la vitesse moyenne des vents d'un cyclone de force 4 (pour mémoire, un cyclone de force 1 démarre avec des vents de 119 km/h sur l'échelle de Saffir-Simpson, qui va de 1 à 5)

Le bilan est lourd : cinq morts (dont un pêcheur de Girolata qui a trouvé la mort en mer dans cet orage), vingt blessés dont au moins un blessé grave, de nombreux bateaux échoués sur les plages ou éventrés sur les rochers, etc.

Le phénomène, encore imprévu sur ses modèles, a pris de court Météo-France par la rapidité avec laquelle il s'est créé : c'est vers minuit mercredi soir qu'il a commencé à apparaître sur les modèles numériques de cet organisme, et l'alerte n'a été déclenchée qu'à 8h30 le jeudi matin, au moment où l'orage est arrivé sur l'île.

Voici ce qu'en dit le prévisionniste de Météo-France Alexandre Flouttard, interviewé par le site Actu.fr le 19 août : 

AF : Ce système orageux s'est formé sur le nord des Baléares et a progressé très rapidement vers la Corse. Ce jeudi matin, tous les ingrédients étaient réunis pour produire des rafales descendantes particulièrement sévères. Cela a été très vite. 
Plusieurs orages ont fusionné au fur et à mesure. Et une structure en ligne s’est formée. On appelle cela un système convectif de méso-échelle (SCM). Ce monstre a pris une forme arquée, que l’on appelle un « bow echo ». Ce système faisait de 200 à 300 kilomètres de longueur et cela a duré plusieurs heures, car il a poursuivi sa route après avoir frappé la Corse. 
Pour résumer au grand public, la ligne d'orages s'est progressivement arquée en approchant de la Corse. Et c’est au milieu que les vents étaient les plus forts. Ces structures peuvent générer des rafales très puissantes et parfois même des tornades, ce qui n’a pas été le cas, même si le vent a dépassé les 200 km/h. 

« L’un des carburants, ce jeudi matin en Corse, c’est la température de l’eau de la mer Méditerranée »

Vous dites que tous les « ingrédients » étaient réunis, quels étaient-ils ? 

AF : C’est très difficile d’anticiper ce phénomène. Les processus physiques à l'origine des orages sont complexes et font intervenir de nombreux « ingrédients » atmosphériques, oui : la température de l'air en surface et en altitude, la variation du vent selon l'altitude et l'humidité de l'air près du sol et également en altitude. 
L’un des carburants, ce jeudi matin en Corse, c’est la température de l’eau de la mer Méditerranée, qui est de 4 à 5°C au-dessus de la normale (elle est entre 27 et 29°C actuellement dans cette zone) qui a amplifié et intensifié cet orage. 
Elle a réchauffé l’air au-dessus de la mer, et, l’air chaud et humide, c’est ça qui forme les orages, avec l’air froid en altitude en parallèle. Mais ce n’est pas suffisant, il faut aussi du vent fort en altitude et ce que l’on appelle, le cisaillement, c’est-à-dire une variation du vent avec l’altitude. C’est une recette de cuisine qui se joue à très peu de chose près. 
À cela, il faut ajouter de l’air sec en moyenne altitude et le cocktail est réuni, c’est ce qui s’est produit ce jeudi matin en Corse, pour résumer. "

Le 5 août 2022, devant la chaleur atteinte par la Méditerranée, nous avions écrit ici : « Dans les trente années qui viennent, avec le réchauffement climatique dont la courbe va crescendo, la façade ouest de la Corse sera sans doute également touchée par les ouragans ».

 

S'il ne s'agit pas ici d'un « medicane » (mediterranean hurricane) à proprement parler (tempête de type subtropical avec formation d'un œil, température plus élevée au cœur des nuages qu'à l'extérieur, phénomène tourbillonaire de grande taille, etc.), comme en a connu la Grèce ces dernières années (Zorbas du 28 au 30 septembre 2018, Ianos du 15 au 18 septembre 2020, Apollo le 28 octobre 2021 touchant également la Mer de Sicile), il s'agit néanmoins d'un épisode climatique très violent. Avec le réchauffement climatique qui va aller en s'intensifiant, et la Méditerranée qui va devenir chaque année plus chaude, il est vraisemblable que va apparaître une « saison cyclonique » en Méditerranée, au même titre qu'elle existe déjà aux Antilles et dans d'autres régions du globe, avec des effets directs en Corse sur le tourisme, l'hôtellerie, les campings, la navigation, la navigation et la fréquentation des ports de plaisance durant la saison estivale, la location de bateaux, etc.

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On the morning of Thursday August 18, 2022, a storm of exceptional intensity hit the western facade of Corsica, then crossing the island from west to east. Gusts of 225 km/h were recorded, beating the record of December 9, 1993. The phenomenon is directly linked to global warming, and to the completely abnormal temperature of the Mediterranean in this season west of Corsica: Masses of hot, humid air (28°C) thus rose until they encountered a current of cold air descending to -65°C, then began to rotate, causing very violent winds. For the record, 225 km/h (here only in gusts) is the average wind speed of a force 4 cyclone (for the record, a force 1 cyclone starts with winds of 119 km/h on the Saffir-Simpson scale, which ranges from 1 to 5).

The toll is heavy: five dead (including a fisherman from Girolata who died at sea in this storm), twenty injured including at least one seriously injured, many boats stranded on the beaches or gutted on the rocks, etc.

The phenomenon, still unforeseen on its models, took Météo-France by surprise by the speed with which it was created: it was around midnight Wednesday evening that it began to appear on the digital models of this organization, and the alert was not raised until 8:30 a.m. on Thursday morning, when the storm arrived on the island.

Here is what Météo-France forecaster Alexandre Flouttard had to say, interviewed by the Actu.fr site on August 19:

AF: This stormy system formed over the northern Balearic Islands and progressed very quickly towards Corsica. This Thursday morning, all the ingredients were there to produce particularly severe downbursts. It was very fast.
Several thunderstorms merged as they went. And an online structure was formed. This is called a mesoscale convective system (MCS). This monster has taken on an arched shape, which is called a "bow echo". This system was 200 to 300 kilometers in length and it lasted for several hours as it continued on its way after hitting Corsica.
To summarize for the general public, the line of thunderstorms gradually arched as it approached Corsica. And it was in the middle that the winds were strongest. These structures can generate very powerful gusts and sometimes even tornadoes, which was not the case, even if the wind exceeded 200 km/h.

"One of the fuels, this Thursday morning in Corsica, is the water temperature of the Mediterranean Sea"

You say that all the “ingredients” were there, what were they?

AF: It is very difficult to anticipate this phenomenon. The physical processes at the origin of thunderstorms are complex and involve many atmospheric "ingredients", yes: the air temperature at the surface and at altitude, the variation of the wind according to altitude and the humidity of the air near the ground and also at altitude.
One of the fuels, this Thursday morning in Corsica, is the water temperature of the Mediterranean Sea, which is 4 to 5°C above normal (it is currently between 27 and 29°C in this area) which amplified and intensified this storm.
It warmed the air above the sea, and warm, humid air is what forms thunderstorms, with cold air high up in parallel. But this is not enough, you also need strong wind at altitude and what is called shear, i.e. a variation of the wind with altitude. It is a cooking recipe that is played with very few things.
To this, we must add dry air at medium altitude and the cocktail is united, this is what happened this Thursday morning in Corsica, to sum up. "

On August 5, 2022, faced with the heat reached by the Mediterranean, we wrote here: “In the next thirty years, with global warming whose curve will crescendo, the western facade of Corsica will undoubtedly also be affected by hurricanes. ".

 

If this is not a "medicane" (mediterranean hurricane) strictly speaking (subtropical type storm with the formation of an eye, higher temperature in the heart of the clouds than outside, vortex phenomenon large, etc.), as Greece has experienced in recent years (Zorbas from September 28 to 30, 2018, Ianos from September 15 to 18, 2020, Apollo on October 28, 2021 also touching the Sea of ​​Sicily), it is nevertheless acts of a very violent climatic episode. With global warming which will intensify, and the Mediterranean which will become warmer each year, it is likely that a "cyclonic season" will appear in the Mediterranean, in the same way as it already exists in the West Indies and in other parts of the world. other regions of the globe, with direct effects in Corsica on tourism, hotels, campsites, navigation, navigation and frequentation of marinas during the summer season, boat rental, etc.

Sources : Meteo-France, France-Info, Actu.fr.

Photo : EUMETSAT visible satellite image of Mediterranean Tropical Cyclone "Celeno" at 14:00 UTC on January 16, 1995 ; auteur/author : NOAA Class.